L’événement de l’année au MASC !
Le MASC sera fermé du 22 décembre au 7 janvier. Mais, par contre, en raison du succès que rencontre « Les fils des récits de Mary Lou Freel, cette exposition est prolongée jusqu’au 30 mai 2026 avec quelques nouvelles tapisseries.


Pour répondre aux demandes, l’exposition est prolongée jusqu’au dimanche 21 décembre !
Ouverture de l’exposition Mary Lou Freel du 1 mai au 31 octobre Une rétrospective sur près d’un demi- siècle de tapisseries brodées à la main !
Visite sur rendez-vous : 514 344 4560.
Plus d’info sur l’expo et l’artiste >

Présentation
Le M.A.S.C

Un art singulier au pluriel et contemporain des morts autant que des vivants
Le M.A.S.C, « Musée d’Art Singulier Contemporain », est installé dans une ancienne église de Mansonville, village collé à la frontière américaine, dans les Cantons de l’est du Québec. Cette position géographique a une valeur symbolique, car pour moi, l’art contemporain est singulier quand il fait de la frontière un pays. Cela signifie que l’artiste singulier n’habite aucun territoire délimité par le marché de l’art et l’Histoire de l’art, mais qu’il porte en lui de quoi transformer ce qui sépare en ce qui unit et créer ainsi son propre espace métissé . L’artiste singulier est aussi celui qui explore ses propres frontières, il est un migrant dans son monde intérieur.
Le courant singulier de l’art contemporain a déjà ses figures tutélaires comme Rebeyrolle, Dado et Rustin. Il n’est pas à confondre avec l’art brut car, même si presque tous les artistes exposés dans le musée sont autodidactes et qu’ils connaissent la marginalité et la souffrance, leurs œuvres n’expriment pas une création spontanée; ils ont tous mené une réflexion sur leur travail et l’ont fait évoluer. N’ayant comme école ou université que les musées et les galeries, ces artistes ne cessent de se former, sans jamais se contenter de ce qu’ils ont déjà créé.
Une fois que j’ai ainsi singularisé l’art singulier, reste l’éléphant dans le couloir, un peu comme celui de Daniel Firman, flottant dans l’air, renversé, renversant. On commence à qualifier l’art de contemporain après la deuxième guerre mondiale. Rares étaient ceux qui acceptaient d’écouter les récits des survivants des camps. On voulait investir le neuf, un présent sans passé. Même si on a fait une exception pour Giacometti et plus tard pour Anselme Kiefer, on ne voulait plus de l’art s’adressant aux morts. Ils restaient trop actuels. Le marché de l’art et peu après les musées, les universités, ont pris acte de ce refoulement collectif. L’art avait lieu entre vivants, ces vivants qu’on appelle des contemporains quand ils se coupent de leurs morts. C’est d’ailleurs étrange qu’un art soit qualifié de contemporain depuis plusieurs générations. Cela ne préjuge en rien de l’intérêt des œuvres produites sous ce label, mais aide à les comprendre. Ce qui peut éclairer cette compréhension, c’est de remarquer que cet enfermement dans la contemporanéité s’accompagne d’un usage de la notion de création privée de son histoire, comme si l’idée d’une œuvre d’art comme création n’avait pas mis des siècles à s’arracher à ses origines blasphématoires, seul Dieu étant le créateur de toutes choses, l’artiste ne faisant que mettre en œuvre l’inspiration divine. Tout aussi banalisée, cette revendication narcissique de l’artiste comme créateur renforce l’enfermement entre contemporains. Individuel ou collectif, tout traumatisme nous enferme dans un présent où ce qui a été refoulé ne cesse de continuer à se produire, une personne ou un peuple pouvant même faire en sorte qu’un équivalent de l’événement traumatique ait lieu. Tant que l’art s’inscrivait dans l’Histoire et pas seulement l’Histoire de l’art, chaque œuvre était une tentative d’élaboration d’une souffrance, sa part individuelle portée par son enjeu collectif comme la Passion du Christ. Pris dans la rupture de ses liens avec l’Histoire, l’art contemporain cherche à se libérer de tout souci d’élaboration pour atteindre le réel du trauma, sa représentation comme équivalent de sa répétition. Il s’agit de convoquer ce réel inaccessible, dans une démarche qui ressemble à celles des mystiques par une sorte de rituel magique qu’on appelle la provocation. Anselme Kiefer commence par cette quête du réel du trauma en se faisant photographié faisant le salut nazi dans la nature puis en exposant à Chicago des carcasses d’avions de guerre. Puis il prend le chemin de l’élaboration par la peinture, gardant comme trace vive de sa quête du réel du trauma les dimensions de plus en plus géantes de ses toiles dont personne ne songe à nier la puissance, comme s’il cherchait à établir une carte aussi grande que le territoire de l’événement traumatique. On le voit même dans un documentaire noircir au lance-flammes un toile immense où il a peint un champ. Un autre exemple est celui d’une œuvre dans passage ultérieur à une élaboration ; il s’agit d’une voiture américaine écrasée par une énorme roche, Still life with spirit and xitle, de l’artiste Jimmie Durham au musée Hirshhorn, à Washington. Je ne sais rien des commentaires que cet œuvre a pu susciter, mais puisque les Américains ont voué un culte à l’automobile, il me semble que cet œuvre réactualise le trauma d’une ambivalence présente dans toute l’Histoire, celle qui entraine le fait qu’on détruit non pas ce qu’on a adoré, mais ce qu’on adore, la pulsion de destruction étant indissociable de l’adoration. Ça remonte au veau d’or et à Moïse écrasant sur le veau d’or la lourde pierre où son dieu a gravé sa loi.
Le M.A.S.C, « Musée d’Art Singulier Contemporain », est installé dans une ancienne église de Mansonville, village collé à la frontière américaine, dans les Cantons de l’est du Québec. Cette position géographique a une valeur symbolique, car pour moi, l’art contemporain est singulier quand il fait de la frontière un pays. Cela signifie que l’artiste singulier n’habite aucun territoire délimité par le marché de l’art et l’Histoire de l’art, mais qu’il porte en lui de quoi transformer ce qui sépare en ce qui unit et créer ainsi son propre espace métissé . L’artiste singulier est aussi celui qui explore ses propres frontières, il est un migrant dans son monde intérieur.
Le courant singulier de l’art contemporain a déjà ses figures tutélaires comme Rebeyrolle, Dado et Rustin. Il n’est pas à confondre avec l’art brut car, même si presque tous les artistes exposés dans le musée sont autodidactes et qu’ils connaissent la marginalité et la souffrance, leurs œuvres n’expriment pas une création spontanée; ils ont tous mené une réflexion sur leur travail et l’ont fait évoluer. N’ayant comme école ou université que les musées et les galeries, ces artistes ne cessent de se former, sans jamais se contenter de ce qu’ils ont déjà créé.
Une fois que j’ai ainsi singularisé l’art singulier, reste l’éléphant dans le couloir, un peu comme celui de Daniel Firman, flottant dans l’air, renversé, renversant. On commence à qualifier l’art de contemporain après la deuxième guerre mondiale. Rares étaient ceux qui acceptaient d’écouter les récits des survivants des camps. On voulait investir le neuf, un présent sans passé. Même si on a fait une exception pour Giacometti et plus tard pour Anselme Kiefer, on ne voulait plus de l’art s’adressant aux morts. Ils restaient trop actuels. Le marché de l’art et peu après les musées, les universités, ont pris acte de ce refoulement collectif. L’art avait lieu entre vivants, ces vivants qu’on appelle des contemporains quand ils se coupent de leurs morts. C’est d’ailleurs étrange qu’un art soit qualifié de contemporain depuis plusieurs générations. Cela ne préjuge en rien de l’intérêt des œuvres produites sous ce label, mais aide à les comprendre. Ce qui peut éclairer cette compréhension, c’est de remarquer que cet enfermement dans la contemporanéité s’accompagne d’un usage de la notion de création privée de son histoire, comme si l’idée d’une œuvre d’art comme création n’avait pas mis des siècles à s’arracher à ses origines blasphématoires, seul Dieu étant le créateur de toutes choses, l’artiste ne faisant que mettre en œuvre l’inspiration divine. Tout aussi banalisée, cette revendication narcissique de l’artiste comme créateur renforce l’enfermement entre contemporains. Individuel ou collectif, tout traumatisme nous enferme dans un présent où ce qui a été refoulé ne cesse de continuer à se produire, une personne ou un peuple pouvant même faire en sorte qu’un équivalent de l’événement traumatique ait lieu. Tant que l’art s’inscrivait dans l’Histoire et pas seulement l’Histoire de l’art, chaque œuvre était une tentative d’élaboration d’une souffrance, sa part individuelle portée par son enjeu collectif comme la Passion du Christ. Pris dans la rupture de ses liens avec l’Histoire, l’art contemporain cherche à se libérer de tout souci d’élaboration pour atteindre le réel du trauma, sa représentation comme équivalent de sa répétition. Il s’agit de convoquer ce réel inaccessible, dans une démarche qui ressemble à celles des mystiques par une sorte de rituel magique qu’on appelle la provocation. Anselme Kiefer commence par cette quête du réel du trauma en se faisant photographié faisant le salut nazi dans la nature puis en exposant à Chicago des carcasses d’avions de guerre. Puis il prend le chemin de l’élaboration par la peinture, gardant comme trace vive de sa quête du réel du trauma les dimensions de plus en plus géantes de ses toiles dont personne ne songe à nier la puissance, comme s’il cherchait à établir une carte aussi grande que le territoire de l’événement traumatique. On le voit même dans un documentaire noircir au lance-flammes un toile immense où il a peint un champ. Un autre exemple est celui d’une œuvre, désœuvrée, sans passage ultérieur à une élaboration ; il s’agit d’une voiture américaine écrasée par une énorme roche, Still life with spirit and xitle, de l’artiste Jimmie Durham au musée Hirshhorn, à Washington. Je ne sais rien des commentaires que cet œuvre a pu susciter, mais puisque les Américains ont voué un culte à l’automobile, il me semble que cet œuvre réactualise le trauma d’une ambivalence présente dans toute l’Histoire, celle qui entraine le fait qu’on détruit non pas ce qu’on a adoré, mais ce qu’on adore, la pulsion de destruction étant indissociable de l’adoration. Ça remonte au veau d’or et à Moïse écrasant sur le veau d’or la lourde pierre où son dieu a gravé sa loi.
Mais alors ai-je commis un contresens en incluant ce mot de contemporain dans le nom du musée que j’ai fondé ? Ce serait absurde de contester à la quête du réel du trauma le nom d’art contemporain, mais nul ne peut confisquer un mot. J’ai séparé art et contemporain par le singulier, ce qui redonne au mot sa liberté. Ces artistes singuliers sont en lien avec une mémoire de l’art et de l’espèce humaine dont ils sont porteurs.
Ils sont contemporains des morts qui les inspirent et auxquels ils s’adressent autant que des vivants. Ces artistes sont dans l’élaboration des traumatismes collectifs tels qu’ils se répercutent dans leur monde intérieur, mais on trouve aussi dans leurs œuvres les traces vives de cette quête du réel de l’événement, traces qu’on retrouve, pétrifiées ou agissantes dans l’art brut, ce qui explique la confusion avec l’art singulier.
Patrick Cady













