Elle peint avec ses doigts et ses ongles, caresse et griffe le papier fait de poussière de pierre, papier lourd et résistant aux déchirures d’une femme porteuse d’une mémoire où l’humain était en lien avec le sauvage, l’animal. Sa peinture est l’invocation de cette vie sur les parois des grottes. La différence est qu’au lieu de reprendre la stylisation des figures, qu’on admire dans cet art de la préhistoire, elle peint sur la frontière avec l’abstraction qui précède toute figuration. Chez Marie Surprenant, la peinture ne vient pas colorier une scène dessinée, mais au contraire, c’est des origines abstractives de la peinture qu’elle fait surgir des personnages et l’ébauche d’une histoire entre eux. Peut-être que la force d’attraction de ces origines de la peinture était-elle trop forte ou peut-être quelque chose en elle l’a conduit à se défaire de la contrainte de figuration qui commande le rêve ou bien encore la frontière sur laquelle elle peignait l’obligeait à un nomadisme qui l’empêchait de se situer, toujours est-il que ses tableaux sont devenus par la suite de plus en plus abstraits et d’une beauté qui ne m’a pas empêché d’avoir l’impression de la perdre. Mais il y a tellement d’attente dans ses peintures que la moindre des choses, c’est d’attendre qu’elle revienne.
Patrick Cady