Stéphanie Sautenet est tellement inspirée quand elle parle de son travail qu’il m’est difficile d’écrire ici d’autres mots que les siens. Elle dit qu’elle appréhende le dessin comme un aveugle. Tout est déjà dans le choix du verbe « appréhender » qui évoque à la fois le commencement toujours renouvelé et la peur de cet inexploré. Cette peur est celle de chaque dessin comme trace d’un voyage entre le monde des morts et celui des vivants. Elle précise encore : « tout dessin est un masque, une fenêtre ouverte sur la mort ». j’ai écrit qu’elle « précise », mais qu’elle dessine ou qu’elle écrive, Stéphanie Sautenet complexifie à mesure quelle précise. La trace est aussi un masque, le dessin révèle et cache. Ce paradoxe connu ne nous préparait pas à celui qu’elle fait suivre aussitôt, une fenêtre ouverte sur la mort. Dans les imaginaires des peuples qui ont cherché à se le représenter, le monde des morts est souterrain, sans lumière ni terre autre que stérile. Pour Stéphanie Sautenet, la mort est aérienne et les morts volent dans la lumière. Pas d’enfer, que du ciel ? Son trait de crayon est léger mais sa précision est celle du scalpel qui écorche vif. Sensualité et douleur. Sauf en rappel de la tradition de la vanité, la mort n’est pas dans le dessin mais elle l’encadre. Elle dessine une vie d’intensité extrême, humaine et animale mêlées, mais une vie menacée, la vie de l’œuvre saturée qui ne peut plus supporter une écorchure de plus. On retrouve la densité du dessin dans l’écriture poétique de Stéphanie Sautenet. Sur son site, un poème d’elle où le Bernard Noël de « la peau et les mots » pourrait reconnaître une âme sœur. Sublime. Et elle signe « Ssoloeil », loin du tombeau.
Patrick Cady