Avant qu’elle ait trois ans, son parrain lui apprend à dessiner les nuages, figures insaisissables. Je ne sais pas comment un enfant de moins de trois ans dessine un nuage ; peut-être voulait-elle dire peindre un nuage, ce qui peut se faire avec une tache. De là peut-être la formule qui lui vient pour dire le commencement d’une toile : « Je crache quelque chose ». On peut recracher ce qu’on a appris, mais cracher, c’est retrouver l’impulsion de l’enfant qui fait tache en regard des critères du beau, qui crache dans la peinture pour voir jusqu’où la tache peut aller, comme Fred Deux et Sylvain Martel (mais c’est avec les visages et les têtes de poupée de Danielle Jacqui qu’elle a une parenté dans le tracé et la palette de couleurs et non avec eux). Kasia Zaro ajoute : « parfois en fermant les yeux ». Peut-être faut-il toujours fermer les yeux pour commencer à peindre. Peut-être que ce sur quoi on ferme alors les yeux va-t-il pouvoir ainsi apparaître. Je devrais parler des œuvres de Kasia Zaro plutôt que de me laisser hypnotiser par ces questions sans réponse, mais ce sont tous ses portraits qui me les posent, ses personnages qui me regardent fixement dans les yeux, regard venu du temps lointain des icônes. Elle donne à certain un effet de vitrail, quelques uns sont même peints sur des cartons perforés par un texte en braille qui donne l’impulsion de toucher le visage peint. Il y a quelque chose d’insaisissable dans l’émotion peinte sur ces visages qu’aucun nuage n’assombrit.
Patrick Cady