Elle connaît son Histoire de l’art. C’est en peignant qu’elle a trouvé comment allier ce qu’on oppose toujours, l’abstrait et le figuratif. Comme si elle refaisait à chaque œuvre le chemin qui mène du barbouillage à la peinture, elle travaille des morceaux d’abstraction, d’alliance de couleurs comme si elle étalait sur le papier sa palette de peintre. Ensuite pour franchir ce qui est donné comme infranchissable, elle a recours là encore à un geste de l’enfance de l’art, celui du découpage. Trop souvent l’utilisation du terme de « collage » efface ce premier geste. C’est peut-être parce qu’on découpe en suivant les contours préétablis d’une figure ou d’un objet sur lesquels rien n’a encore été travaillé. Simone Fick découpe sa propre peinture, mais, à l’opposé de Matisse et de son tracé stylisé, sa découpe semble hésiter, tortueuse, quand elle contourne une touche de peinture dont elle ne veut pas amputer le personnage car cette touche va être sa chair; elle tient compte tout autant de la peinture dont elle prélève ce qu’elle appelle des « lambeaux » que de l’exigence minimale de figuration. Pour le fond de ses tableaux, Simone Fick peint directement sur le papier qui va accueillir les découpages ; ces fonds sont peints à larges coups de pinceau, d’une seule couche semble-t-il, ce qui contraste avec la complexité et l’épaisseur de peinture des personnages. Même si ceux-ci n’ont pas de visage, seulement des têtes, ce contraste nous fait sentir une densité dans la présence humaine, densité redoublé par l’énigme des scènes qu’elle compose et qui nous prive de tout connu rassurant.
Patrick Cady